samedi 20 novembre 2010

Yellow Moon

Vendredi soir de novembre. Après la meilleure entrée de calamars frits en ville, un bon verre de vin rouge espagnol et une paella aux fruits de mer digne de la réputation de la Sala Rossa, je suis allée, avec deux copines, voir la pièce de théâtre Yellow Moon à l'Espace Go.

Ça faisait au moins un an que je n'étais pas allée voir une pièce de théâtre. La dernière fois, c'était au mois de mai 2009, au TNM. J'étais entrée corps et âme dans l'univers fascinant de Robert Lepage avec Le Dragon Bleu. La mise en scène et l'histoire m'avaient renversées, envoûtées et même si les puristes diront que cette pièce ne se comparait en rien au chef d'oeuvre intitulé Le projet Andersen, moi, j'avais adoré puisqu'elle avait réussit à me surprendre. Et j'adore les surprises.

Un poète qui fait rimer noir avec soir ou amours avec toujours ne me surprendra pas. J'aurais tendance à dire à celui qui écrit une histoire d'amour entre deux jeunes personnes troublées jonglant avec des assassinats, des suicides et la recherche d'un père absent d'attendre quelques années, que le secondaire c'est long mais qu'il y a une vie fascinante qui vient après.

Si cette personne n'est pas un poète pré-pubaire mais un écrivain de 41 ans, et qu'il le fait avec une mise en scène impeccable, épuré et efficace tout en mettant beaucoup de style dans ses phrases simples et qu'en plus, il laisse de très bons comédiens le soin de transmettre son message tordu, il me fera passer un très bon vendredi. David Greig a réussit cet exploit avec Yellow Moon. 

Même si les clichés s'enchaînaient plus rapidement que les secondes, son style d'écriture, ressemblant à une soirée de contes, laissait place à l'imaginaire du spectateur, à mon plus grand délice. L'éclairage était aussi brillamment utilisé ce qui fait que je suis restée jusqu'à la fin sans trop m'en rendre compte. Est-ce qu'on peut aimer autant la forme en rejetant le contenu? Yellow Moon le prouve.

Je ne médirai pas contre les auteurs qui tentent de réécrire les tragédies grecques mais est-ce que c'est vraiment ça qui va raviver la flamme des foules pour le théâtre? Vous me répondrez peut-être que les gens ne font simplement plus l'effort de sortir de leur sofa, mais alors, comment expliquer qu'il y ait 21 273 personnes à toutes les parties des Canadiens au Centre Bell

Ma théorie est simple: même si c'est toujours le même sport, chaque performance est unique et réinventée.

On pourrait pas faire pareil au théâtre et laisser tomber les re-mix de Phèdre? On ne pourrait pas faire pareil à l'orchestre symphonique et laisser tomber Handel, Bach ou Brahms au profit de jeunes compositeurs de talents à découvrir? 

Je ne dis pas de renier les grands classiques, mais même si Coldplay s'est inspiré des Beatles, le groupe ne jouent pas l'intégral de leur répertoire à tous les spectacles. 

Faudrait passer le mot. Et je n'utiliserai pas une colombe pour le faire.

lundi 8 novembre 2010

Combattre le temps.

Le temps. Quelle denrée rare! Être un pays débordant de temps comme ressource première, je ne ferai pas long feu et je serai envahie par de grande compagnie étrangères prêtes à tout pour puiser dans mes mines de temps bruts j'en suis certaine. J'en mettrais même ma montre au feu!

Nous manquons tout le temps de temps. Je cours constamment après mes minutes et je vendrais mon âme au diable pour ajouter quelques heures à ma journée. En plus, je sais pertinemment que ça serait complètement inutile parce que je les surchargeraient avec encore plus et j'en redemanderais, insatiable! Je serai une dictatrice damnée dans mon pays du temps et arriverait rapidement à bout de mes ressources.

Pour la première fois de ma vie, entre un souper avec mon frère, un travail long à remettre à l'université et une randonnée en montagne, (il faut bien prendre le temps de se relaxer!), je suis allée voir un gala de boxe. Je devrais plutôt dire LE gala de boxe où le champion d'Interboxe  Lucian Bute faisait face à Jesse Brinkley, le terrible américain.

J'étais plein de préjugée envers ce sport de combat, je doutais même de passer la première round. Je cherchais mon siège en pensant déjà à la prochaine étape de ma soirée: rentrer à la maison: taxi? autobus?, je vais voir.. peut-être me mettre à jour un peu sur les téléromans québécois sur tou.tv? mais si je veux dormir un peu avant ma randonnée, je devrais penser me coucher, ou faire mon épicerie? J'en étais à peu près là dans ma planification de retrait de cette soirée, que je prévoyais sanglante, lorsque le premier combat a commencé.

Contre toute attente, le combat n'était pas cruel et sans merci. Les deux boxeurs avaient encore leurs deux oreilles à la fin de la dernière round. Pire, j'assistais à une belle camaraderie entre les boxeurs lorsque la cloche annonçait la fin de l'altercation. Je me surprenais à aimer le spectacle, à admirer les attaques d'un, la défense de l'autre. Je voulais en savoir plus sur les catégories de poids et les règlements. J'attendais de pied ferme les boxeurs dont je connaissais maintenant toutes les statiques indiquées dans le petit dépliant ciré qui m'avait été remis à l'entrée du Centre Bell.

Les jeux d'éclairage, la cloche, la voix de l'annonceur enthousiaste sorti d'un film de Rocky et les filles en plastique et talons hauts avaient ensorcelés la foule. L'air était électrique.

Pour ajouter à l'expérience, j'étais assise à côté de la famille d'un des boxeurs roumain qui se démenait dans l'arène depuis un peu plus d'une demi heure.  La fierté du père, l'excitation fébrile de la soeur  et les acclamations des amis venus de loin pour soutenir cet homme mettaient un visage humain au sports. Heureusement parce que même en étant le vainqueur, ce dernier ne pouvait plus se vanter d'en avoir un après sa performance...

Les cris de joie, en turc, en tchèque, en québécois, m'assénaient de toute part. Complétement dépaysée, j'étais séduite, exaltée. Je ne  sentais plus les secondes, ne voyais plus les minutes et avais complètement perdue le compte des heures.

Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que dans l'arène, comme dans le stade au complet, le temps n'avait plus la même signification. Une fraction de seconde d'inadvertance et un combat peut être perdu. Une fraction de seconde d'inadvertance et un combat peut être gagné. Il faut décortiquer chaque soubresaut de son adversaire, chaque battement de paupières et pour se faire, les boxeurs, avec leur concentration, ont, j'en suis certaine, le don de ralentir le temps.

Je me demande si j'ai le temps d'apprendre à boxer...