lundi 8 novembre 2010

Combattre le temps.

Le temps. Quelle denrée rare! Être un pays débordant de temps comme ressource première, je ne ferai pas long feu et je serai envahie par de grande compagnie étrangères prêtes à tout pour puiser dans mes mines de temps bruts j'en suis certaine. J'en mettrais même ma montre au feu!

Nous manquons tout le temps de temps. Je cours constamment après mes minutes et je vendrais mon âme au diable pour ajouter quelques heures à ma journée. En plus, je sais pertinemment que ça serait complètement inutile parce que je les surchargeraient avec encore plus et j'en redemanderais, insatiable! Je serai une dictatrice damnée dans mon pays du temps et arriverait rapidement à bout de mes ressources.

Pour la première fois de ma vie, entre un souper avec mon frère, un travail long à remettre à l'université et une randonnée en montagne, (il faut bien prendre le temps de se relaxer!), je suis allée voir un gala de boxe. Je devrais plutôt dire LE gala de boxe où le champion d'Interboxe  Lucian Bute faisait face à Jesse Brinkley, le terrible américain.

J'étais plein de préjugée envers ce sport de combat, je doutais même de passer la première round. Je cherchais mon siège en pensant déjà à la prochaine étape de ma soirée: rentrer à la maison: taxi? autobus?, je vais voir.. peut-être me mettre à jour un peu sur les téléromans québécois sur tou.tv? mais si je veux dormir un peu avant ma randonnée, je devrais penser me coucher, ou faire mon épicerie? J'en étais à peu près là dans ma planification de retrait de cette soirée, que je prévoyais sanglante, lorsque le premier combat a commencé.

Contre toute attente, le combat n'était pas cruel et sans merci. Les deux boxeurs avaient encore leurs deux oreilles à la fin de la dernière round. Pire, j'assistais à une belle camaraderie entre les boxeurs lorsque la cloche annonçait la fin de l'altercation. Je me surprenais à aimer le spectacle, à admirer les attaques d'un, la défense de l'autre. Je voulais en savoir plus sur les catégories de poids et les règlements. J'attendais de pied ferme les boxeurs dont je connaissais maintenant toutes les statiques indiquées dans le petit dépliant ciré qui m'avait été remis à l'entrée du Centre Bell.

Les jeux d'éclairage, la cloche, la voix de l'annonceur enthousiaste sorti d'un film de Rocky et les filles en plastique et talons hauts avaient ensorcelés la foule. L'air était électrique.

Pour ajouter à l'expérience, j'étais assise à côté de la famille d'un des boxeurs roumain qui se démenait dans l'arène depuis un peu plus d'une demi heure.  La fierté du père, l'excitation fébrile de la soeur  et les acclamations des amis venus de loin pour soutenir cet homme mettaient un visage humain au sports. Heureusement parce que même en étant le vainqueur, ce dernier ne pouvait plus se vanter d'en avoir un après sa performance...

Les cris de joie, en turc, en tchèque, en québécois, m'assénaient de toute part. Complétement dépaysée, j'étais séduite, exaltée. Je ne  sentais plus les secondes, ne voyais plus les minutes et avais complètement perdue le compte des heures.

Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que dans l'arène, comme dans le stade au complet, le temps n'avait plus la même signification. Une fraction de seconde d'inadvertance et un combat peut être perdu. Une fraction de seconde d'inadvertance et un combat peut être gagné. Il faut décortiquer chaque soubresaut de son adversaire, chaque battement de paupières et pour se faire, les boxeurs, avec leur concentration, ont, j'en suis certaine, le don de ralentir le temps.

Je me demande si j'ai le temps d'apprendre à boxer...

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